Désintéressés, démobilisés, indifférents … les critiques à l’égard de l’implication des citoyens dans la vie publique ne manquent pas. Elles sont à peu près aussi nombreuses que celles adressées aux processus de concertation initiés par les acteurs politiques au motif « d’éclairer la décision publique ».
Les jurys de citoyens – à l’image de celui animé par Francom pour le compte de Bordeaux Métropole – viennent nous rappeler qu’il existe d’autres manières d’aborder la participation du public aux décisions qui le concernent.
Depuis 2016, la Métropole bordelaise s’interroge sur la possibilité d’instaurer une « Zone à circulation restreinte » ou « Zone à faibles émissions » dans laquelle la circulation des véhicules les plus polluants serait limitée (voire interdite) de façon ponctuelle ou permanente. Objectif : lutter contre la pollution de l’air et ses effets néfastes sur la santé de tous.
En 2017, la concertation a débuté avec une diversité de parties prenantes. Pourtant la voix des citoyens reste encore absente du débat. La Métropole décide alors d’avoir recours à un « jury citoyen » : un tirage au sort permet de sélectionner un petit groupe de citoyens d’origines diverses et « non spécialistes » qui bénéficieront d’une formation pluraliste. Après avoir recueilli l’information indispensable, entendu des avis contradictoires et débattu ensemble, ils formuleront collectivement leurs recommandations à destination des élus et services publics.
Dans la foulée, le Conseil de développement durable de la Métropole désigne une garante neutre et indépendante (issue de la liste établie par la Commission nationale du débat public) pour s’assurer que l’avis des citoyens ne sera pas « orienté ».
Le challenge n’est pas anodin. En quelques semaines il faut : recruter des volontaires (parmi les personnes tirées au sort), concevoir le programme des sessions de formation, élaborer un dossier d’information interactif qui permettra aux participants de se former lors des rencontres et aussi en dehors de celles-ci à leur propre rythme, mobiliser les intervenants potentiels, etc.
Toutes ces tâches sont confiées à FRANCOM qui réunit 30 habitants de la Métropole sur 3 samedis avec une priorité pour l’animateur : créer un climat propice à l’échange et au débat ouvert. Le facteur humain est primordial et, par les efforts conjugués de chacun, un groupe naît. Un groupe de citoyens impliqués, au vécu différent, qui ne sont bien sûr pas toujours d’accord entre eux. Mais un groupe où le débat d’idées peut avoir lieu et qui parvient à s’entendre sur une recommandation à l’attention du pouvoir politique.
Sans doute faut-il se rappeler que « l’objet de la participation » (ici la question posée) détermine en grande partie la pertinence et les résultats de la démarche. Tous les thèmes ne se prêteront pas avec la même réussite à un jury citoyen. Néanmoins, cette forme de participation a le mérite de nous amener à nous interroger sur la nécessaire maturation de nos opinions et les vertus de la démocratie délibérative.