Assemblées citoyennes : c’est la mode mais…

Assemblées citoyennes : c’est la mode mais…


Conventions citoyennes, jurys citoyens, panels citoyens… les démarches de concertation mobilisant un groupe plus ou moins large de « simples citoyens » – souvent tirés au sort – semblent se multiplier. Elles fleurissent à toutes les échelles (locale, régionale, nationale, voire internationale). Sans nier leurs vertus, la Commission nationale du débat public s’interroge sur les possibles dérives associées à cet « effet de mode ». Elle organisait, le 30 juin dernier, un webinaire sur ce thème. FRANCOM vous en livre son résumé « à chaud ».

La Convention constitutionnelle irlandaise (2013-2014) avait déjà marqué le retour des assemblées citoyennes sur le devant de la scène médiatique. Mais il semble que ce soit la Convention citoyenne pour le climat (2019-2020) qui ait durablement ébranlé le paysage de la démocratie participative en France. Cet exercice de délibération collective – car c’est bien de cela qu’il s’agissait – a été largement commenté, décortiqué et (souvent) décrié. En dépit de toutes les critiques qui ont pu lui être adressées, il a déclenché une forme d’engouement inédite dans notre pays pour ce que la CNDP qualifie de recours aux « mini-publics ».

Garder la tête froide face à la mode des assemblées citoyennes…

Lors de son introduction du webinaire, Chantal JOUANNO notait que cet « effet de mode » comporte deux risques :

  1. décrédibiliser, « si c’est mal fait », une méthode « par ailleurs tout à fait intéressante »,
  2. donner l’impression que la participation de quelques-uns (sélectionnés de diverses manières) peut remplacer la participation de tous, ou plus exactement, le droit (légal) de chaque individu à participer aux décisions qui le concernent.
… et en profiter pour établir de « bonnes pratiques » pour l’organisation des « mini-publics »

Face aux risques de dérive, les vice-présidents de la CNDP, Ilaria CASILLO et Floran AUGAGNEUR, formulent un certain nombre de préconisations dans leur note d’éclairage parue en juin. Ils se fondent pour cela sur l’expérience de la CNDP (25 initiatives au cours des 16 dernières années).

Après avoir rappelé les différentes utilisations possibles des assemblées citoyennes (éclairer les décideurs / éclairer le maxi- (grand) public / éclairer les organisateurs de la participation), ils estiment qu’il faudrait se fixer 4 règles :

  1. faire garantir le processus par un tiers indépendant (garants de la CNDP ?) ;
  2. être transparent sur le positionnement du mini-public dans le processus décisionnel et sur la manière dont se fera la restitution du travail du mini-public vis-à-vis du grand (maxi-) public, et inversement ;
  3. mettre en lumière les points de dissensus (même si le consensus est ce qui est recherché au départ) ;
  4. assurer la traçabilité du processus délibératif (c’est-à-dire des échanges au sein du groupe citoyen).
Penser l’articulation entre assemblée citoyenne et participation « ouverte »

Puisque les assemblées citoyennes ne peuvent constituer à elles seules une démarche de participation satisfaisante, on comprend surtout au fil des discussions que le plus important est d’assurer une articulation claire entre les travaux du mini- et du maxi- (grand) public. Dès lors, les questions qui se posent sont les mêmes que dans toutes les concertations : Comment mobiliser / associer le plus grand nombre de personnes possible ? Avec quels dispositifs de communication ? Selon quelles démarches pour « aller-vers » le public ?

Alors finalement que peuvent apporter les processus délibératifs avec un public sélectionné ?

Si l’on se résume, les mini-publics ne peuvent qu’être complémentaires des démarches participatives sans barrières à l’entrée avec lesquelles ils s’articulent. Pour reprendre les propos de l’une des intervenantes(*), ils permettent – grâce notamment au tirage au sort – de « rassembler des gens que l’on ne voit nulle part ailleurs ». « De cette diversité et de cette richesse d’expériences né un dialogue pacifique orienté vers des solutions collectives ». En cela, les assemblées citoyennes contribuent à (re)créer les conditions d’un véritable débat démocratique.

N’oublions pas non plus leurs qualités intrinsèques : elles donnent le temps aux participants de se forger une opinion au travers d’un processus délibératif fondé sur la découverte d’informations approfondies et l’écoute d’une pluralité d’avis. Elles constituent, de ce point de vue, une forme de palliatif à certains maux de notre temps (cf. par exemple les débats épidermiques et simplificateurs sur les réseaux sociaux autour de fake news… mais il s’agit là d’un tout autre débat 😉).

(*) Gaétane Ricard-Nihoul, Cheffe Adjointe de l’Unité Dialogues Citoyens de la Commission européenne, Membre du Secrétariat Commun de la Conférence sur l’Avenir de l’Europe.